Les dystopies, comme 1984 d’Orwell, ne sont-elles pas des programmes ? Plutôt que de nous mettre en garde contre un futur terrifiant, est-ce qu’elles ne préparent pas le terrain ? N’ont-elles pas pour rôle d’acclimater les consciences à un avenir peu souhaitable, voire carrément détestable ?
En évoquant 1984 on a coutume de se dire : c’était annoncé ! Nous vivons dans une société orwellienne.
Le Meilleur des mondes d’Aldous Huxley fonctionne de la même façon.
J’ai moi-même été confronté à cette question de « créer le malheur dans mes œuvres. » J’ai écrit un roman, Les Survivants où est relaté un grand malheur, la disparition de la quasi totalité de l’humanité, à l’exception d’une poignée de survivants. Et j’ai hésité assez longtemps avant de m’engager dans l’écriture de ce livre.
À cause justement de l’avertissement de Lautréamont, j’ai toujours pensé que ce n’était pas une bonne chose d’écrire une telle dystopie. Et je continue de le penser : ai-je bien fait de publier ce livre ? Il n’a pour le moment rencontré quasiment aucun lecteur.
En racontant le malheur dans un livre, est-ce qu’on ne finit pas par le produire dans la vie ?
Est-ce cela contre quoi Lautréamont cherchait à nous mettre en garde ?