« L’homme ne doit pas créer le malheur dans ses livres. » Cette citation de Lautréamont (dans Poésie I) a un sens très fort.
Mais, comme on le verra plus loi, il est difficile à décrypter.
Voici la citation en entier: « Paul et Virginie choque nos aspirations les plus profondes au bonheur. Autrefois, cet épisode qui broie du noir de la première à la dernière page, surtout le naufrage final, me faisait grincer des dents. Je me roulais sur le tapis et donnais des coups de pied à mon cheval en bois. La description de la douleur est un contre-sens. Il faut faire voir tout en beau. Si cette histoire était racontée dans une simple biographie, je ne l’attaquerais point. Elle change tout de suite de caractère. Le malheur devient auguste par la volonté impénétrable de Dieu qui le créa. Mais l’homme ne doit pas créer le malheur dans ses livres. C’est ne vouloir, à toutes forces, considérer qu’un seul côté des choses. O hurleurs maniaques que vous êtes ! »
Lautréamont distingue le malheur « naturel » ou « providentiel » du malheur créé par l’homme dans ses œuvres littéraires. Le malheur providentiel peut avoir un sens ou une grandeur, car il échappe à la volonté humaine et relève d’un ordre supérieur.
L’écrivain ne doit pas fabriquer du malheur dans ses livres, car cela revient à imposer une vision négative du monde, à ne montrer « qu’un seul côté des choses.
Ne pas se complaire dans le malheur
Trop d’écrivains se sont complus dans le malheur. Ils ont présenté une vision désespérée de la vie. Quelles en seront les conséquences?
Lautréamont appelle à une littérature exaltant la beauté, l’espérance et la possibilité du bonheur.
Dans la littérature contemporaine, la vision négative du monde est dominante. Pensons à Houellebecq, le champion de la dépression post moderne.
Mais que dire d’auteurs plus classiques? Chez Balzac, l’homme est mu par son intérêt. L’ambition et le goût de l’argent rendent les hommes impitoyables. En lisant ce grand maître du roman, on acquiert la conviction que l’homme est mauvais.
Existe-t-il une conception plus positive de l’art? Chez Philippe Sollers (qui cite parfois la phrase de Lautréamont), se montre cette vie heureuse, lumineuse.