Lautréamont contre la mélancolie dangereuse

Il est possible que j’aie une compréhension un peu étroite de la phrase de Lautréamont “Tu ne créeras pas le malheur dans tes œuvres.”

J’y vois une sorte de commandement si ce n’est un avertissement. Mais il faut sans doute lire cette phrase de façon plus subtile. Les auteurs d’œuvres de fiction ne créent pas le malheur à proprement parler.

C’est simplement la représentation du malheur, de la crise ou de la détresse. Ce n’est en aucun cas le malheur réel, un état affectant des êtres vivants. Les œuvres d’art, les œuvres écrites se présentent comme des procédés. Il est donc un peu abusif d’accuser un auteur en le rendant responsable de catastrophes qui se produisent dans le monde bien des années après qu’il ait lâché la plume.

Lautréamont, si l’on reprend le contexte de sa phrase, vise essentiellement les auteurs romantiques. Ils se complaisent dans l’expression de leurs sentiments les plus mélancoliques et les plus négatifs. C’est ce malheur qui est représenté dans les œuvres contemporaines de Lautréamont. Cette forme de mélancolie se révèle dangereuse; l’avenir nous l’a prouvé.

imaginer une création joyeuse

C’est cette même tendance que Philippe Sollers retrouve un siècle plus tard dans la littérature de son temps. Et la tendance nihiliste est même accentuée. Les auteurs de la 2e partie du XXXème siècle sont passés maîtres dans l’art de la déprime. Ils se repaissent d’idéologie de mort.

Sollers imagine à contrepoison, un pharmakon à leur nihilisme. Il prend la forme d’une création joyeuse et lumineuse. En cela, il continue l’œuvre de Lautréamont. Comme lui, il refuse la propagande du malheur.