Êtes-vous prêt pour le nouveau monde?

Le nouveau monde, comment le voyez-vous ?

On parle de nouveau paradigme.

La discussion a vrillé pendant la crise sanitaire. Et aujourd’hui ?

Et qu’entend-on par ce nouveau paradigme ?

Ce mot compliqué dit une chose très simple. Il se définit :

« une représentation du monde, une manière de voir les choses, un modèle cohérent du monde qui repose sur un fondement défini. »

Ce que nous percevons passe au filtre de ce modèle mental.

Nous changeons de paradigme, ça signifie que notre façon de voir le monde change.

Quelles sont les causes de ce changement de paradigme ?  

Un très bon livre l’explique. C’est Le Grand virage de l’humanité de Philippe Guillemant.

Ce scientifique aux allures de génie farfelu, développe une conception du temps contre-intuitive.

Pour lui, le temps n’est pas linéaire, comme nous le croyons, selon le paradigme de la science matérialiste et rationnelle.

Le futur, donc, doit être considéré comme étant déjà là.

En 2020, au moment où se situe le grand virage de l’humanité, notre futur semblait écrit. Il n’était que le prolongement d’un passé régi par le progrès scientifique.

Selon cette conception dominante de la science, l’épidémie qui a émergé en 2020 devait être éradiquée par un moyen technique. Celui-ci a été massivement approuvé, de même que les moyens qui ont été mis en œuvre.

Et ceci correspondait à une conception de l’humain considéré comme une sorte de machine, d’organisme composé d’éléments qu’il est possible de soigner ou d’améliorer.

Cette conception de la science mène tout droit au transhumanisme et à l’homme augmenté.

Or, c’est cette façon de voir qui est en train de disparaître, petit à petit. Philippe Guillemant  appelle cela le grand virage de l’humanité.

Paradoxalement, l’émergence du virus, en 2019-2020 et les solutions qui ont été apportées ont permis de révéler, pour une bonne part de la population, que la voie que nous étions en train de suivre n’était pas la bonne. Autrement dit, il était nécessaire de changer notre conception de la science et du monde. C’est ce qui est en train de se produire.

C’est ainsi qu’apparaît le nouveau paradigme, moins basé sur la science rationnelle, s’appuyant plus sur l’intuition.

Dans quelle direction pouvons-nous repérer ce fameux nouveau paradigme ?

Nous l’avons vu, il vaut mieux se méfier des promesses techno scientifiques qui se proclament nouvelles. Ces utopies ont tendance à virer en dystopie.

Et, disons-le, méfions-nous aussi de l’adjectif « nouveau. » Est nouveau ce qui est oublié.

 Ainsi, ce nouveau paradigme, qui semble générer tant de nouvelles initiatives et de prises de conscience, nous rappelle le changement d’ère qui s’annonçait déjà dans les années 1960.

À l’époque, on parlait d’ère du Verseau. Elle était censée succéder à l’ère finissante des poissons (l’époque chrétienne). On a aussi parlé de « nouvel âge. »

Dans les années 1980, le livre Les Enfants du verseau a cristallisé ce schéma de pensée.

Pour résumer, le changement de paradigme laisse une plus grande part à l’intuition. Il s’oppose à la raison (et au rationalisme, sa forme extrême) qui dominait l’ancien paradigme.

La coopération est valorisée par rapport à la compétition. La créativité se déploie.

Ce changement était censé alors se produire et il se poursuit aujourd’hui.

Ce nouveau paradigme se présente sous des aspects essentiellement positifs. Il ne doit pas forcément être vu comme une époque succédant à une autre. On peut le voir s’affirmer en opposition (et en complément) au paradigme scientifique (rationaliste et matérialiste) qui a toujours cours, notamment sous nos latitudes occidentales.

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Un auteur a bien saisi ce changement opérant ces dernières années. Le sociologue Michel Maffesoli à décrit dans L’ère des soulèvements cette prise de conscience et ce surgissement de solidarités au niveau local, communautaire.

D’un côté, les élites sont déconnectées (ou trop connectées, mais pas enracinées). De l’autre, un peuple apprend à vivre de la débrouille, de l’entraide et du partage.

Le nouveau paradigme selon Maffesoli ressemble à l’organisation en petites tribus. Beaucoup de sociétés ont vécu ainsi depuis la nuit des temps. Autrement dit, le nouveau paradigme a des airs de déjà vu.

Le message se rapproche de celui de Philippe Guillemant : prime à l’intuition, au concret ; et exit la raison trop rationnelle. Au revoir l’ordre hiérarchique ou les institutions pompeuses.

Michel Maffesoli, au cours de sa  carrière, a disséqué cet esprit irrationnel. Il l’a exposé dans ses derniers livres, dont Le temps des peurs. Le retour des tribus est son grand thème. Il évoque l’entraide, le soutien que les hommes de la base se donnent les uns les autres.

Maffesoli est un ancien franc maçon. Il a été lié, pendant des dizaines d’année à des groupes de la franc maçonnerie, mais il a déclaré, récemment, que ça ne l’intéressait plus.

Cet esprit de tribu renvoie implicitement aux tribus d’Israël. Il figure la société archaïque. Chacun s’entraide au sein de la tribu, haïssant qui n’en fait pas partie.

  Si vous êtes familier de l’ésotérisme, le « nouveau paradigme » n’aura rien de neuf à vos yeux. Pour vous, la nouvelle terre (décrite par Eckhart Tolle ou un autre), l’ascension spirituelle, les mondes galactiques, corps subtils, chakra, karma, tout cela sonne comme de vieilles connaissances.

Pour le dire simplement, le nouveau paradigme est un fourre-tout.

Il prend la forme de l’ésotérisme, voire de l’occulte.

Cette dimension est très présente, notamment dans la culture populaire : films hollywoodiens, musique populaire, littérature grand public (de Harry Potter, rayon enfant, au livre new âge, développement personnel, pour les grands).

Ce bain hétéroclite constitue le fond de sauce de notre postmodernité. La vie liquide ne laisse rien de tangible à quoi se raccrocher. Difficile de s’y repérer, d’y trouver un point fixe.

Comment concilier l’ancien paradigme (scientifique, rationnel) et le nouveau (ésotérique, intuitif) ?

Le nouveau paradigme s’accorde avec l’écologie. L’homme prend conscience de sa responsabilité vis à vis de la création.

La tendance est à considérer la Terre comme un organisme vivant : c’est l’hypothèse Gaïa.

Le développement psychologique de l’humain rejoint sa préoccupation pour le devenir de la planète : c’est l’écopsychologie.

Des œuvres philosophiques légères, comme Nouvelle terre d’Eckhart Tolle diffusent pour le grand public  la prise de conscience globale de l’humanité et d’un progrès moral possible.

Les tendances d’unification se traduisent par l’anti racisme, une forme de féminisme et d’autres manifestations de nature plus ou moins ésotérique.

Ajoutons que l’apparition du nouveau paradigme s’accompagne d’un effacement relatif de l’église catholique, notamment en occident.  Cela s’accompagne d’un changement de référentiel. Toute mention du christianisme comme socle civilisationnel semble oubliée.

Nous nous approchons du moment où, disait Baudelaire, le sens du péché originel aura disparu.

Lire Blaise Pascal en classe fait découvrir des notions aujourd’hui bien étrangères. Personne n’y comprend plus rien.

Chantal Delsol a exposé cette mutation dans La Fin de la chrétienté. Le christianisme ne sert plus de référentiel aux politiques et, dans une large mesure, au fonctionnement de la société occidentale.

Cela ne signifie pas que la page de la religion chrétienne soit définitivement tournée, mais sa place a changé.

Sans cette base chrétienne, qui conciliait l’imaginaire et le réel, les esprits sont maintenant ouverts à toutes les influences.

L’ésotérisme se développe ainsi sous toutes ses formes et notamment à la faveur du développement personnel.

Cette floraison débouche parfois sur l’occultisme. Et c’est ici que de nombreux individus plongent : s’offrent à eux magnétisme, médiumnité, magie et autre sorcellerie, sous couvert d’un certain écologisme voire simplement sous les formes anodins de la culture populaire, musique ou films. C’est ce que démontre le livre de Dominique Auzenet, Magnétiseurs, guérisseurs, médiums : le nouveau royaume de l’occulte.

Enfin, rappelons ce que ce changement de paradigme n’est pas.

En effet, certains ont annoncé un grand chambardement.

On les a beaucoup entendu à partir de l’année 2020, dans le sillage de la crise sanitaire. Citons notamment le Forum de Davos (aussi appelé forum économique mondial).

Son président, Klaus Schwab, évoquait un « great reset. » Cette grande remise à jour (ou remise à zéro, comme on peut le faire avec un ordinateur) était censée créer un monde tout neuf, tout propre. Avec des hommes nouveau, et pourquoi pas une terre nouvelle, un état d’esprit nouveau.

Qu’en est-il ? Cette présentation paraît trompeuse. Le « great reset » et ses promoteurs n’annoncent rien de bien neuf. C’est le business as usual avec, peut-être juste une touche de vert en plus.

Un autre nom s’est dressé avec la pancarte « nouveau » accrochée dans le dos, mais ce n’était là encore qu’une vieille bête avec un masque neuf.

Ce nom est celui de Yuval Noah Harari. L’auteur de Sapiens et Homo deus a voulu tracer le paysage du monde nouveau.

Cet auteur a résumé à grands trait l’histoire de l’humanité. Les civilisations, au cours du temps, ont fait coopérer les hommes grâce à de grands récits (les religions) qui unifiaient leurs relations. Ces modèles mentaux ont permis à l’humanité d’évoluer.

Dans son deuxième livre, Homo deus, Harari se projette dans l’avenir. En bout de ligne, l’humain, muni du pouvoir de la science, se fixe de nouveaux défis.

Avec une intelligence artificielle sur le point de dépasser l’intelligence humaine, les perspectives sont à la fois effrayantes et palpitantes. Ainsi, pourquoi ne pas viser l’immortalité ? Le transhumanisme va faire de nous des hommes résolument nouveau !

Or, cette perspective n’a rien de neuf, même si elle présente toutes les apparences de la science fiction.

Et pourquoi n’est-elle pas neuve ? Parce qu’elle n’est que la poursuite du vieux récit du progrès scientifique.

L’idée  est que la raison (et ses bras armés la science et la technique) permettra à l’homme de dominer la nature et d’atteindre la félicité. Cette idée sous tend la croyance en la science. Elle a pour nom « rationalisme. » C’est justement cela, l’ancien paradigme.

Alors, vous êtes prêt pour le nouveau paradigme ?